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extrait de "NOTES HISTORIQUES SUR CULOZ AUX TEMPS ANCIENS" de Louis BERTHELON
CHAPITRE VII
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Le Rhône

SES DIGUES -- SES ÎLES

La grande préoccupation des habitants de Culoz était de défendre leur terrain contre les ravages du Rhône, et les mêmes difficultés existaient pour les habitants de la Chautagne.
Nous savons par jules Masse, qu'en 1621, les habitants de Châteaufort, pour protéger leurs terres, élevèrent des digues qui rejetaient les eaux sur la rive droite. Les autorités françaises adressèrent des réclamations à Antoine Favre, premier président du Sénat de Savoie, qui gouvernait ce pays par intérim. Le Président Favre défendit la continuation des travaux, mais n'ordonna pas la démolition de ceux qui étaient faits.
Vers 1685, la Chambre des Comptes de Savoie, fit faire des travaux de défense contre le Rhône, principalement dans les paroisses de Serrières et de Motz.
En 1686, une visite des lieux fut faite par le sieur Vibert, maître auditeur des comptes pour s'assurer que les travaux ordonnés avaient été exécutés.
En 1711, il y eut une inondation qui ne devait avoir d'égales que celles de 1840 et 1859.
En 1719 et les années suivantes, de nouveaux travaux de défense contre le Rhône furent faits par le gouvernement sarde, mais chacun de ces travaux avait donné lieu à des réclamations de la part des autorités françaises qui craignaient toujours que le Rhône fût rejeté du côté d'Anglefort et de Culoz. En 1726, il y eut une visite des lieux par les ingénieurs des deux pays et le 12 septembre une convention fut faite; le gouvernement sarde promit de démolir certains ouvrages, notamment deux éperons faits au Molard de Vions et une digue construite sur Motz, au rocher de Picollet; ces démolitions furent faites en 1731.
En 1737, un ingénieur piémontais, Bertola, fit àl'intendant général de Savoie un rapport dans lequel il signalait les tendances du Rhône à se jeter du côté de la Savoie et l'empressement que mettaient les Français àcombler son ancien lit; les travaux paraissaient dangereux, non seulement pour la Chautagne, mais encore pour Chambéry, car le Rhône pouvait se jeter dans le lac du Bourget.
A la suite de ce rapport, les plans et devis ces travaux à faire pour remédier aux inconvénients signalés furent dressés par le capitaine ingénieur Franquin et le 30 octobre 1737, l'adjudication en fut donnée aux entrepreneurs Pillian et Michaud.
Des travaux importants furent effectués en
1738 et 1739 comme ils avaient été prévus et acceptés par le gouvernement français en 1726, ils ne donnèrent donc lieu à aucune réclamation de sa part, mais ils mécontentèrent les habitants de Culoz qui essayèrent de contrecarrer les efforts du gouvernement sarde en faisant construire au village de Landaise une digue dangereuse pour celui de La loëx.
Les communiers de Ruffieux protestèrent et leurs réclamations furent transmises par l'intendant général de Savoie, le comte Capris de Castellemont à joly de Fleury, intendant de Bourgogne; celui-ci prétendit que les plaintes étaient mal fondées; il ajoutait que les digues faites depuis quelques années du côté de la Chautagne avaient causé un tel préjudice à certaines communautés qu'il avait fallu les dégrever de la moitié de leurs impositions, que lui même c'était transporté sur les lieux, avait constaté l'étendue du mal et engagé les habitants à se garantir, tout en leur recommandant de ne faire aucun ouvrage offensif.
Toutefois, l'intendant français ajoutait qu'à titre de bon voisinage, il se rendrait de nouveau sur les lieux le 15 septembre 1758 et désirerait que le gouvernement envoyât une Commission pour se rendre compte de l'absolue nécessité des travaux exécutés.
Le comte Capris se rendit en Chautagne en septembre 1758, accompagné de son secrétaire, Beauregard, et de jacquier, substitut de l'avocat général.
La démolition de la digue de Landaise fut promise et effectuée en janvier 1759 et remplacée par une autre, moins préjudiciable aux habitants de Savoie.
Le traité de Turin du 24 mars 1760, qui fixait la frontière au milieu du grand fleuve, régla aussi cette question de digues en les réduisant de part et d'autre aux termes d'une juste défense.
La commission chargée de ce travail de limitation de frontières était composée du maréchal de camp du Bourcet pour la France, et du baron de Foncet, conseiller d'état pour la Savoie; ils visitèrent Culoz le 27 février 1761, un mercredi, et voici ce que comporte leur rapport "L'on a passé la matinée à visiter la prairie de Culoz, la tuilerie Guinet, les rochers de Lavours, sur lesquels on est monté pour reconnaître encore les différents bras, îles et îlots du Rhône; ensuite, en remontant ce fleuve, on a été s'établir sur le rocher de Landaise d'où l'on a aussi reconnu tous les ravages causés par le Rhône depuis ce village jusqu'à Lavours et Rochefort. M. du Bourcet propose deux lignes de digues, la première pour boucher les différents bras du Rhône par où ce fleuve se verse dans le territoire, de Culoz àRochefort, et sur la ligne latérale qui servira de limite depuis Landaise jusqu'au pont de Rochefort, passant au petit molard de Lavours; ces différentes parties de digues, toutes en pierre avec différents contreforts en maçonnerie, pourront avoir 1.500 toises de longueur.
La 2e ligne sera établie contre le rocher de Culoz et le grand rocher de Lavours qu'on laissera en avant sur le Rhône et elle sera continuée jusqu'à la montagne de Rochefort, cette dernière partie pourra former 2.500 toises de longueur de digues. Le Commissaire propose d'établir une chaussée de gravier de 30 pieds de large sur six pieds de hauteur pour servir de point d'appui à la digue et aux contreforts, l'on pourra, en même temps, pratiquer une très belle route sur la première digue; en avant, se doit faire le tirage des bateaux. "
II fut aussi décidé que les digues de Boursin et que ce qui restait des digues de Picollet et de Landaise devaient disparaître.
L'ingénieur Poulain pour la France, et l'ingénieur Garella pour la Savoie, durent procéder à ces démolitions qui furent faites pendant les mois de mars et avril 1761.
En 1764, en février, avril et septembre, des inondations emportèrent une partie des digues de Serrières et firent d'immenses dégâts dans la plaine de Culoz.
Le 26 août, sur la réquisition des syndics et habitants de cette localité, Me Videt, avocat de Belley, dressa un procès-verbal constatant que, depuis trois ans, le Rhône a enterré au moins deux cents journaux de bonnes terres labourables et que les trois cents journaux qui restent sont inutilisables étant traversés par sept à huit fossés de 20 à 25 pieds de large où l'eau coule continuellement, et depuis trois semaines le Rhône a débordé trois fois et n'a même pas laissé le pâturage aux bestiaux, le sol étant couvert de limon et de gravier.
Les syndics n'attribuent ces inondations si fréquentes et ces enlèvements de terrain, qu'aux digues et éperons que le roi de Sardaigne a fait faire du côté de la Savoie qui jettent tout le Rhône sur la France, où il n'y a ni digue ni estacade; celles que l'on avait commencées, il y a cinq ans, ayant été détruites en 1759.
Le 25 avril 1765, M8 Videt constata que, depuis le 26 août 1764, le Rhône dans 7 à 8 fortes inondations faites en automne et l'hiver, a encore enterré 80 journaux de bonnes terres ensemencées en froment, sur lesquelles l'eau continue à couler, sans espoir de pouvoir être réparées, le terrain étant couvert de sable, limon et gravier.
N'ayant presque plus de terres labourables, les habitants de Culoz demandèrent, avec l'appui des deux rapports de l'avocat Videt, le partage des îles du Rhône. Dans le courant de Mars 1768, il fut procédé, par les officiers de la Maîtrise des Eaux et Forêts du Bugey àl'aménagement de ces îles, connues sous les dénominations de "La Malourdie, l'île Michel, l'île Martin, l'île du port de La Loëx, l'île de Vions, les îles Bertrand, et l'île Mallet" .
D'après la supputation des plans des îles, faite par le Sr Tartelin, arpenteur des Eaux et Forêts, il se trouva 472 arpents royaux et 69 perches ( l'arpent des Eaux et Forêts était de 51 m072, la perche de l'arpent de Paris. de 5 m, 874) - dont 276 arpents 61 perches 1/2 en essence de bois taillis, essences aunes et saules, et le surplus, en prés et terres labourables. Ce titre prouve que déjà à cette époque, les habitants de la communauté de Culoz s'étaient partagé une partie de ces îles et les avaient réduites en culture.
Le partage n'ayant pas été fait au début de 1769, une nouvelle demande fut adressée au Grand
Maître des Eaux et Forêts, pour avoir la permission de mettre en culture une certaine quantité de terrain en nature d'îles dont la division serait faite entre tous les foyers de la paroisse. Le grand Maître dut renvoyer les habitants devant les officiers de la Maîtrise du Bugey qui, déférant à leur demande, firent un premier partage en octobre 1769 de fonds en nature d'îles consistant en 148 arpents deux perches, non compris dans l'aménagement de celles qui étaient en nature de bois. Ce partage comprit l'île Mallet, l'île du Glapier, l'île Michel et le petit Brotalet.
Depuis ce premier partage, le Rhône ayant fait de nouveaux ravages dans le finage et dans les îles en formant un nouveau lit au-dessous de Landaise, les habitants prirent une délibération le 4 mars 1787 et se pourvurent pour obtenir le partage de l'île de Vions.
Leurs pièces ayant été égarées dans les bureaux du Conseil auquel l'affaire avait été renvoyée par l'Intendant de Bourgogne, les habitants se pourvurent de nouveau en 1791, par devant la direction centrale de l'Ain, pour être autorisés à faire le partage de leurs îles, se fondant sur ce que, depuis le partage de 1769, le Rhône avait submergé plus de 300 journaux de leur ancien terrain et une grande quantité des parcelles établies en 1769; c'est tant en vertu de l'autorisation qui leur fut donnée par arrêté du Directoire du département du 14 mars 1791 qu'en suite de la loi du 10 juin 1793 que les habitants de Culoz ont fait successivement le partage, d'abord de l'île de Vions, ensuite celle de Bertrand d'enHaut, et la Malourdie, puis, en l'an IV, de celles appelées Bertrand d'en-Bas, graviers de Vions et l'île Martin, et finalement en l'an X, le terrain appelé la Malourdie d'en-haut.
Le partage de celle-ci eut lieu le 29 Ventôse an V (l" mars 1797) . Contrairement à la loi du 10 juin 1793, l'agent Pochois et ses amis procédèrent à la répartition des lots et firent tomber sur 45 personnes de leur choix, les lots situés sur la partie inondable de l'île, et s'attribuèrent les autres beaucoup plus avantageux.
Les 45 habitants ainsi lésés adressèrent une protestation à l'administration centrale qui annula ce partage et en ordonna un plus légal le 18 prairial an VI (20 mai 1798) . L'agent Pochois fut censuré. Si nous consultons les registres municipaux, nous voyons que, dans l'établissement du budget, du 18 fructidor an X, il est prévu une dépense de 250 francs pour endiguer le Rhône avec des enrochements pour l'empêcher d'entrer dans le canal de Grande Fontaine, car depuis 1784, il s'était frayé un lit qui, prenant sous Landaise, était venu rejoindre le Jourdan et la source des I les au pied de Culoz et menaçait de renverser le pont de pierre qui conduisait au finage.
Le 4 novembre 1814, l'on décida d'opposer au débordement des eaux, une digue en pierres brutes, consolidée par des pieux en bois dur et des fascines garnies de tous matériaux.
Tout habitant de Culoz en état de travailler dut donc, muni de pelle et pioche, et chacun de deux pieux, en bois dur, de 8 à 9 pieds de long et de deux fortes fascines en bois long, se trouver à sept heures précises aux endroits indiqués. L'appel en fut fait sur la liste arrêtée par le conseil municipal et les manquants condamnés aux peines de police suivant le Code pénal. Toutes les voitures et voituriers furent aussi requis pour le transport des matériaux. Chacun travailla sous la direction du chef d'escouade, qui lui avait été désigné, et à l'endroit assigné.
Ces travaux exécutés avec tant de peine et de difficultés ne devaient pas résister longtemps, De mai à fin juillet 1816, le Rhône inonda quatorze fois la plaine de Culoz à Rochefort; deux cents hectares du meilleur terrain furent emportés, tant sur le territoire de Culoz que sur celui des communes de Lavours et Rochefort. Toutes les digues furent anéanties, les ponts renversés, les chemins coupés, etc...
Dans une requête du 28 novembre 1816, adressée au baron Dumartroy, préfet de l'Ain, pour demander la suppression des impôts extraordinaires qui leur étaient réclamés, les habitants de Culoz exposèrent ainsi leur misère "Les débordements du Rhône ont été si considérables que de mémoire d'homme l'inondation n'a été si forte, si longue et si souvent renouvelée. Depuis le mois de mai jusqu'à la fin juillet, les propriétés ont été quatorze fois submergées; blé, foin, maïs, pommes de terre, légumes de toutes espèces, tout a été sablé, pourri, et détruit en majeure partie. Les malheureux habitants sans blé, sans moyen de s'en procurer, se trouvent réduits àla plus affreuse misère, ils ont perdu jusqu'à la récolte de 1817, puisque les semences faites en septembre et octobre derniers se trouvent détruites par les inondations de novembre."
Pour éviter le retour d'une telle calamité, le gouvernement prit ses dispositions pour construire une digue qui couperait le bras du Rhône situé sous Landaise et le remettrait ainsi dans son lit. L'administration demanda à la commune de Culoz de coopérer à ce travail. Le 24 août 1817, il fut décidé qu'elle fournirait trente hommes tous les jours pendant tout le temps que durera ce travail et vota une somme de 1200 francs pour acheter deux bateaux avec leurs agrès et cordages pour servir à transporter les pierres nécessaires à la construction de la digue.
Deux ans plus tard, en juillet 1819, le Rhône creusa au bout de la digue nouvellement construite, un nouveau lit de cent mètres de large et emporta de nouveau 20 hectares de terrain, et le 25 octobre 1820, une nouvelle inondation détruisit l'ensemencement de blé dont la récolte fut nulle en 1821.
En 1830, deux inondations successives enlevèrent encore la plus grande partie des terres qui restaient, il n'y eut que quinze hectares d'épargnés. A la suite de ce nouveau désastre, les habitants adressèrent au Préfet une pétition demandant le prolongement de la digue.
Le 29 octobre 1837, la commune s'imposa de quatre journées par homme, ce qui représentait 1124 journées (à 2 fr. = 2.248 fr) et quatre journées par cheval ou paire de boeufs, soit 472 journées (à 3 fr. = 1.416 fr.), pour prolonger de 200 mètres la digue commencée en 1817. Ce nouveau tronçon devait coûter 19.400 fr., outre le prix des prestations et les indemnités pour le terrain qu'occupera la digue et celui où l'on prendra la terre pour remblais.
Le 15 juillet 1841, le conseil ajouta aux prestations en nature votées le 29 octobre 1837, les prestations destinées aux chemins vicinaux de la commune pour que la digue soit prolongée jusqu'à la tuilerie de la Mirandelle (à la jonction du chemin de Lavours). Ces conditions furent confirmées le 30 janvier 1842.
A partir de cette époque, le territoire de Culoz fut à l'abri des grandes dévastations.
Dès que les travaux de la digue furent terminés on s'occupa de la rectification de la route nationale n° 92, entreprise importante qui fut faite en 1846, A partir de cette époque les Ponts et Chaussées négligèrent l'entretien du tronçon de route qui reliait la "place de la croix" au hameau de Landaise, il fut bientôt impraticable au roulage. II était donc urgent d'ouvrir l'embranchement projeté qui mettrait la "place de la croix"  en communication directe avec la route nationale.
La construction de ce tronçon fut confiée àl'entrepreneur Duport d'Hauteville.
Le 22 septembre 1850, la commune s'engagea àlui fournir cinquante journées d'un cheval attelé et son conducteur, pour faire le cylindrage et l'autorisa à extraire cent mètres cubes de pierre à la carrière de Châtel, au lieu-dit "roche machurat", moyennant la légère redevance de dix centimes par mètre cube, soit en tout, dix francs (qui ne furent jamais payés).
Pour ouvrir cet embranchement, on dut supprimer la grange Viallet située à l'Est de la place entre les deux maisons Brunet.
L'élargissement de l'entrée de la place, côté Ouest à l'arrivée de la route 22 venant de Béon n'eut lieu qu'en 1866, il fallut couper l'angle de la maison André.
Depuis longtemps, les populations de la Chautagne et de Culoz, quoique séparées par une double ceinture de douanes qui paralysait leurs relations commerciales, éprouvaient le besoin d'être reliées entre elles par une voie de communication plus sûre et plus facile que le passage si précaire et si dangereux du Rhône. Le 12 août 1851, il fut adressé au conseil d'arrondissement et au conseil général de l'Ain, un mémoire rédigé par Me Fidèle Tournier, notaire et maire de Culoz, demandant l'établissement d'un pont sur le Rhône, entre Culoz et Laloès. Ce projet fut accueilli favorablement par le conseil divisionnaire de Chambéry dans sa délibération du 6 décembre 1851; mais l'entreprise se trouvait tellement hors de proportion avec les ressources des pays intéressés que force fut de renvoyer à des temps meilleurs l'exécution de ce projet.
Lorsque la création des chemins de fer eut modifié .profondément le système de communications, des intérêts surgirent ou se développèrent, Culoz devint un centre intéressant par sa position de tête de ligne de trois chemins de fer.
Le maire, Fidèle Tournier, fit de nouvelles démarches pour obtenir l'établissement d'un port dit "à l'américaine"  à une seule voie qui coûterait au plus 60.000 francs, avec ou sans péage.
Ce projet n'eut pas davantage de suite car on comptait que le pont du chemin de fer VictorEmmanuel, à l'étude, comporterait un passage pour piétons.
Cette espérance fut déçue et le 9 décembre 1856, la commune de Culoz dut accepter la compensation qu'on lui offrait dans l'établissement d'un bac entre Landaise et Laloès, avec passe-cheval et passe-voiture.
L'embarcadère en pierres de taille et l'épi ou môle en enrochements qui le protégeait du grand courant, se voient encore dans l'ancien étang Berthelon au Nord du pont actuel. Mais ce bac (ou traille) qui rendait de grands services, n'était accepté qu'en attendant la réalisation de la construction d'un pont. Les populations des deux rives décidèrent de s'adresser directement à l'Empereur qui, de passage à Chambéry, reçut le maire de Culoz, Stanislas Tournier, et le maire de Ruffieux, le baron Girod de Montfalcon et leur promit la construction du pont. Mais la réalisation s'en faisait toujours attendre, aussi le 12 août 1860, la commune adhéra avec enthousiasme aux raisons exposées dans la pétition adressée à l'empereur par les municipalités des deux rives. Enfin, en décembre 1869, l'ordre fut donné de prendre toutes dispositions pour commencer les travaux et le pont fut construit dans le courant de 1870.
Le pont du chemin de fer de la ligne de Savoie, était en service depuis une douzaine d'années; la cérémonie avait eu lieu le 1" septembre 1857, par VictorEmmanuel et le prince Napoléon, il était à voie unique et dut être refait en 1901 lors de l'établissement de la double voie de Culoz à Chambéry.
 

LA NAVIGATION

Le trafic du Rhône supprimé par les invasions, devait reprendre insensiblement, à partir du Me et du XIIIe siècle, surtout à la suite de l'ouverture des foires de Champagne; au nombre de six par an, elles étaient le point de rencontre des marchands d'Italie et de ceux des Flandres, mais ceux-ci ne s'y trouvant plus en sûreté par suite de la guerre de Cent Ans, s'en détournèrent pour se rendre, de préférence, aux foires de Genève dont les premières remontaient au début du XII° siècle, mais ne furent bien connues qu'à partir de la foire de l'Epiphanie 1262.
Avec ses sept foires annuelles, d'une durée chacune de huit à quinze jours, Genève fut jusqu'au milieu du XVe siècle le centre du commerce européen. I I y venait des vendeurs et des acheteurs de toute la France, Normandie et Flandre comprises, des villes allemandes, de l'Espagne et naturellement, de toute la Savoie, Bugey compris. On y vendait de tout, depuis les fourrures moscovites jusqu'aux armes milanaises et aux épices orientales, et selon Gabriel Pérouse, "les produits savoyards y faisaient bonne figure"  . Parmi ceux-ci se distinguaient les vins de Seyssel, de Culoz, d'Artemare, de Virieu, qui tranchaient avantageusement sur ceux de Semine et même de Montmélian.
Le trafic du Rhône en reçut une sérieuse impulsion. jusqu'au début du XVe siècle, Genève n'avait eu à lutter contre aucune concurrence sérieuse de la part des villes avoisinantes, mais le dauphin Charles chercha à ramener en France une partie du commerce qui s'en était détourné; le 9 février 1420, il accorda à la ville de Lyon deux foires annuelles franches. Devenu roi, Charles VII renouvela en février 1444 ses lettres patentes de 1420 en y ajoutant une troisième foire franche aussi. Leur durée qui était de six jours par l'acte de 1420, fut portée à 20 jours. Cependant, l'affluence des étrangers ne répondit pas à l'attente du roi. La route de Genève était trop connue pour que les marchands s'en détournassent facilement.
Par de nouvelles lettres patentes, parues le 7 juillet 1445, Charles VI I prohiba les transports à Genève au profit des foires de Lyon. Enfin ces efforts continus du roi de France amenèrent une réplique du duc de Savoie qui ordonna à ses officiers de laisser passer, séjourner et trafiquer librement les marchands qui se rendaient aux foires de Genève.
A partir de cette époque, les marchandises provenant de la Méditerranée et destinées aux "foires de Genève, remontèrent le Rhône et l'Isère jusqu'à Grenoble, pour éviter de passer à Lyon; de là, elles empruntaient la route terrestre, via Moirans et Brégnier et à travers le Bugey, Virieu, Culoz, Seyssel, gagner Genève.
En 1450, la duchesse Yolande, régente de Savoie fit établir un projet de canal entre Chambéry et Genève, passant par le lac du Bourget, le Rhône, les Usses et l'Arve.
La rivalité entre Lyon et Genève devait continuer; le 8 mars 1463, Louis XI augmenta le nombre des foires de Lyon et fit coïncider leurs époques avec celles des foires de Genève et, pour assurer leur prospérité, il leur accorda les franchises et les libertés dont les marchands jouissaient dans cette ville.
Enfin, dans cette lutte opiniâtre, Genève devait succomber, ses foires de moins en moins fréquentées, végétèrent encore longtemps, mais ne reprirent jamais leur splendeur du XVe siècle. Culoz se trouvant sur la route terrestre et la voie fluviale qui conduisaient les marchandises à Genève, en subit, comme tout le HautRhône, les conséquences, car elles s'arrêtèrent en grande partie à Lyon.
Cet arrêt de commerce était aussi le résultat des luttes politico-religieuses qui agitèrent Genève, au cours du XVIe siècle.
Avec le calme retrouvé, au début du XVI le, le trafic du Haut-Rhône retrouva insensiblement son intensité.
Le commerce du sel n'avait jamais diminué, les trains de sel composés d'une quinzaine de barques pesamment chargées et remorquées par Ce coche descendait également chaque semaine, mais à cause de la rapidité du Rhône; il ne portait qu'environ 80 quintaux de marchandises qui consistaient en toiles peintes, soie-fleuret, fil de fer, balles de peaux et quelquefois de la librairie.
La Suisse expédiait, à cette époque, pour Lyon, annuellement, quinze cents tonneaux de fromages, chaque tonneau pesant l'un dans l'autre cinq quintaux.
Au début du XIXe siècle, et jusqu'en 1829, tout le trafic du Rhône se faisait encore par halage; quarante à cinquante équipes remorquaient les trains de bateaux; le bureau de la navigation de Valence compta du l" avril 1809 au 30 mars 1810, 1461 bateaux chargés pour la montée et 2205 pour la descente. Tous ces bateaux étaient en bois dont la charpente était fortifiée par des "courbes" chevillées aux bandes et au fond; tous les joints étaient calfatés de mousse et hapés.
Pour se procurer ces courbes, les fustiers de Culoz faisaient dévaster les communaux du Colombier; le 21 Pluviôze an onze (21 janvier 1803), la municipalité dut prendre un arrêté par lequel à l'avenir, il serait défendu "de couper aucune courbe pour la fabrication des bateaux; mais comme il est facile d'échapper à la surveillance des gardes, dit l'arrêté, il sera permis à ceuxci de visiter les chantiers existant dans la commune et de dresser des procès-verbaux de tous les bois qui se trouvent en contravention au présent règlement; même de saisir lesdits bois et les propriétaires desdits chantiers poursuivis comme les ayant coupés
dans ceux de la commune, à moins qu'ils ne justifient du contraire."
Une partie de ces bateaux étaient démontés àleur arrivée dans les ports du Midi et débités en bois de feu.
Depuis 1770, où le franc-comtois Jouffroy d'Albans, avait fait, d'ailleurs sans succès, des essais sur la Saône avec un bateau à vapeur qu'il dénommait son "pyroscaphe", de nombreux chercheurs se livrèrent àdes expériences de navigation à vapeur, mais toujours sans succès. Seguin, Bordon, Steel, durent en 1824, abandonner leurs essais; en 1828, les bateaux AynardBruyas, avec leur roue à l'arrière, ne réussirent pas mieux.
Enfin le 17 juin 1829, un modèle dénommé le "Pionnier" appartenant à la "Compagnie générale des bateaux sur le Rhône" effectua la descente de Lyon àArles en 88 heures avec un chargement de 1 150 quintaux. Ce bateau construit entièrement en bois, mesurait 19 mètres de long sur 6 m. )0 de large, avait un tirant d'eau de 0 m. 65, avec une puissance de 50 CV.
La "Compagnie générale des bateaux sur le Rhône" n'eut pas plutôt inauguré cette nouvelle traction que de nombreuses sociétés de navigation à vapeur se créèrent et se firent bientôt une concurrence acharnée qui amena rapidement une grande baisse des prix de transport et par là, la ruine du roulage et de la remontée du Rhône par équipages. Ainsi, le prix du roulage de Marseille à Lyon qui s'élevait, en 1847, à 9,50 ou 10 francs pour 100 kilos, n'était que de 5,60 à 6 francs par bateau, d'Arles à Lyon, donc bien meilleur marché par bateau que par route.
En 1840, les Ponts et Chaussées créèrent un service spécial du Rhône; il y eut à Culoz un "conducteur du Rhône", le premier titulaire fut M. Verjus, auquel succéda M. Vernadet.
De grandes modifications furent apportées à la construction des bateaux à vapeur, tous adoptèrent la monture de fer et, en 1844, Verpilleux lança un nouveau type dit à "grappins" qui fonctionna jusqu'à 1875; il était actionné par une grande roue centrale, dentée, qui s'enfonçait dans le lit de fleuve et lui permettait ainsi de prendre un solide point d'appui.
En 1853, la navigation à gré d'eau avait complètement disparu.
En 1857, la ligne de chemin de fer Lyon-Genève fut ouverte à la circulation et fit concurrence aux compagnies de navigation qui, de nombreuses qu'elles étaient, fusionnèrent en une seule, sous le nom de "compagnie du Haut-Rhône"; ses bateaux avec roues àaubes actionnées par la vapeur, dénommés "hirondelles" firent, du l" mai au ]`octobre, un service régulier de voyageurs et de marchandises de Lyon à Aix-les-Bains, en desservant l'abbaye d'Hautecombe et les localités des rives du Bourget; tous les deux jours, un bateau remontait jusqu'à Seyssel avec arrêt à Culoz en cours de route. Au retour, il transportait à Lyon, au pont des Cordeliers, voyageurs et marchandises venant de Genève, du Bugey ou des Savoies.
Ce service fonctionna jusqu'en 1886 et fut la fin de la navigation sur le Haut-Rhône.
La cause principale en fut l'impossibilité d'aller plus haut que Seyssel. Cependant, depuis longtemps, des ingénieurs s'évertuaient à trouver le moyen d'aller par eau jusqu'à Genève. Dans une belle thèse présentée à l'Université de cette ville, M. Hugentobler, nous dit qu'en 1720, jeanSébastien Combes, sub-délégué de l'intendant du Languedoc et l'ingénieur joseph Abeille, proposèrent au gouvernement français de rendre le Rhône navigable dans la mauvaise partie de son cours, c'est-à-dire, de Seyssel à Genève.
En 1760, le gouvernement suisse envoya les frères Perroux, ingénieurs valaisans, à Bourg-en-Bresse, pour proposer à l'intendant de Bourgogne, joly de Fleury, de "rendre le fleuve navigable ou tout au moins flottable de Brigue à Lyon".
En 1774, les ingénieurs Aubry et Céard projetèrent un canal de dérivation allant de Versoix àGénissiat, en passant par des écluses à établir, à Ferney, Thoiry, Collonges et Fort-l'Ecluse. II serait destiné à la circulation de bateaux fluviaux de 19 m., 50 de longueur sur 5 m 20 de large.
Quelques années plus tard, Céard préconisa un barrage du Rhône à Génissiat "en submergeant par ce moyen toutes les cataractes et la perte de ce fleuve qui le rendent impraticable jusqu'au Fort de l'Ecluse " .
D'autres projets suivirent, ceux de Besson en 1776, de Chevalier en 1782, de Lalande en 1778, de Secrétan, etc... mais les véritables précurseurs furent Aubry et Céard qui proposaient, en 1774, un barrage de 62 m, 85 entre Bellegarde et Génissiat tendant à créer un lac de 24 hectares parfaitement navigable.
Le XXe siècle devait se charger de réaliser ce vaste projet.